La loi du 14 juillet 1905 sur « l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables » est considérée, par ses termes et son contenu, comme la première législation à prendre en compte les personnes handicapées. Elle assoit sur des bases solides le droit au secours proclamé il y a plus d’un siècle par la Convention. Toute personne privée de ressources, âgée d’au moins 70 ans, ou atteinte d’infirmité ou de maladie incurable, a le droit de formuler une demande d’assistance et possède des moyens légaux bien définis pour imposer à la collectivité la reconnaissance de son droit.
La loi assure aux communes, chargées de l’obligation d’assistance, les moyens financiers nécessaires pour qu’elles puissent remplir leur mission. Ainsi, « les vieillards, les infirmes et les incurables » peuvent bénéficier d’une allocation en espèces ou de disposer d’un placement gratuit dans un établissement d’accueil, en général dans des hospices. Mais cette loi présente l’inconvénient de placer sur le même plan des populations très différentes : infirmes moteurs, enfants déficients mentaux, incurables et vieillards, quels que soient leur âge et leur degré d’autonomie. Il convient donc de relever que la loi du 15 avril 1909 organise le dépistage systématique des enfants déficients mentaux et encourage leur placement dans des classes ou écoles perfectionnées.
En effet, en 1905, à la demande du gouvernement, le psychologue Alfred Binet et le psychiatre Théodore Simon proposent la première échelle métrique d’intelligence qui sert à estimer le degré de développement intellectuel de l’enfant. En 1908, une nouvelle version regroupe les questions par niveau d’âge on obtient un classement des enfants testés par rapport au résultat optimal d’un groupe d’enfants « normaux » d’un âge donné. C’est la notion d’âge mental. Ainsi un enfant de 12 ans d’âge réel qui réussit à 100 % les questions de la classe d’âge de 8 ans et ne va pas au-delà aura 8 ans d’âge mental.
La première guerre mondiale de 1914 à 1918 et ses conséquences déclenchent de nouveaux droits en faveur des personnes victimes de blessures et d’infirmité, notamment la loi du 31 mars 1919 met en place un barème d’évaluation des handicaps subis par les grands blessés de la première guerre mondiale, de manière à déterminer le montant de leur pension d’invalidité. Quelques années plus tard, la loi du 14 mai 1930 permet aux victimes d’accidents du travail d’être admises dans les écoles de rééducation professionnelle créées par les militaires.
A la fin de la seconde guerre mondiale, au mois de mars 1944, le Conseil national de la résistance (CNR) propose dans la clandestinité son programme « Les jours heureux » et un « Plan complet de Sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ».
Au lendemain de la paix, les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 assurent la création du système de Sécurité sociale en France sur le modèle « bismarckien ». Ce système est géré par les partenaires sociaux et financé par les cotisations à la charge des employeurs et des salariés. Il refonde le système des assurances sociales des années trente et reconnaît le rôle complémentaire des mutuelles. Ainsi, la nouvelle Sécurité sociale permet d’assurer l’ensemble des salariés contre les conséquences de maladies et d’accidents non liés au travail mais les privant de leurs « capacités de gains ». Cette vision solidaire traduit dans les faits de manière universelle le principe révolutionnaire d’assistance défini par le comité de mendicité de 1790.
Je cite également la loi du 23 novembre 1957 sur le reclassement professionnel. Elle définit pour la première fois la qualité de travailleur handicapé, instaure des priorités d’emploi et crée les Centres d’aide par le travail (CAT) ainsi que les Ateliers protégés.
En 1967, sous la Présidence de la République de Charles de Gaulle, un rapport intitulé « Etude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées » est remis au Premier Ministre Georges Pompidou. Ce rapport a été établi par François Bloch-Lainé (1912-2002), haut-fonctionnaire après 1945 et qui a dirigé les finances de la résistance intérieure de 1942 à 1944. Son rapport ouvre la voie aux textes de lois du 30 juin 1975. Je veux enfin souligner ici l’intérêt personnel du Général de Gaulle sur les questions de handicap, en raison de la trisomie portée par sa fille Anne (1928-1948). Avec son épouse, Charles de Gaulle crée en 1945 la Fondation Anne-de-Gaulle pour accueillir des jeunes femmes handicapées mentales. Cette fondation reconnue d’utilité publique existe toujours et gère notamment un Foyer de vie dans les Yvelines.
Prochainement, un article sur les deux lois fondatrices du 30 juin 1975.