Les Échos – 22 mars 2022

Le monde du conseil aux entreprises est mal connu du grand public. Mais le montant des émoluments versés, le prestige de certains grands cabinets internationaux et leur proximité avec les lieux de pouvoir en alimentent la légende. Les débats animés autour du recours de l’Etat à de nombreux cabinets sont l’occasion de rappeler à quoi ils servent réellement.
La liste des besoins explicites des clients est assez courte : puissance de travail, apport d’expertise et de méthodologies ; catalyseur d’énergie ; œil externe neutre. Le consultant est demandé pour sa vivacité d’esprit, sa capacité à appréhender la complexité, à traiter seul une quantité importante de données, à élaborer très vite des synthèses. L’aptitude à la formalisation est un élément essentiel de son savoir-faire. Le consultant représente aussi pour son client une force extérieure temporaire de compétences utiles: certains se nomment eux-mêmes avec humour : « intérimaires de luxe ». Soucieuses de recentrer leurs activités sur leur cœur de métier. Nombre d’organisations ont a allégé leurs structures des coûteux départements d’études.
Le recours ponctuel à la force de travail de personnes extérieures lors de certains projets est une solution économique et flexible. Il est bien moins onéreux de louer une force de travail d’appoint pendant quelques mois, voire quelques années, que de l’entretenir à plein temps. Troisième rôle : le consultant présente I’avantage notable d’être motivée par contrat » et donc plus productif qu’un travailleur interne. La pression sur les délais et les résultats peut être accrue au-delà des limites admises par le personnel interne : le niveau d’exigence qu’un manager peut avoir face à un consultant est sans commune mesure avec celui qu’il peut appliquer à un subordonné.
Le recours à des personnes extérieures est une solution économique et flexible.
Dans une organisation souvent ankylosée par les routines et les blocages produits par des conflits de personnes, remploi d’un consultant peut être le meilleur moyen de libérer des énergies. Le manque d’implication des personnels locaux. Trop sûrs de leur place et trop sceptiques quant à un projet qu’ils peuvent percevoir comme une lubie de la direction, est compensé par l’arrivée d’une force stipendiée pour être énergique. Le consultant intervient souvent en grande partie pour apporter et communiquer sa capacité d’enthousiasme au personnel. Enfin, n’appartenant pas à l’entreprise et travaillant pour plusieurs clients à la fois, le consultant possède une extériorité qui garantit I’originalité du regard porté sur le fonctionnement d’une organisation.
A côté de ces fonctions officielles, la sociologie des organisations a montré que le consultant a une autre fonction plus officieuse mais non moins essentielle : il concourt à l’implémentation des décisions des dirigeants. L’histoire des entreprises regorge d’exemples de décisions unilatérales dont le bien-fondé a été englouti par l’inertie des acteurs. Un ministre ou un dirigeant qui a élaboré une stratégie doit parvenir à la communiquer. C’est-à -dire la faire comprendre et accepter, Pour assurer cette traduction de la décision en acte, le dirigeant a besoin de légitimité. Ce travail de légitimation est accompli sous quatre formes distinctes par le consultant: en agissant comme porte-parole des décisions, en décernant un label de qualité au décideur, en jouant le rôle d’assurance en cas d’erreur et en consolidant le prestige personnel du dirigeant.
Non, faire appel au conseil n’est pas le signe d’une organisation qui dysfonctionne. Cela peut être parfaitement rationnel et dans l’intérêt bien compris de rentre prise ou de l’institution cliente.
Olivier Babeau est fondateur de l’Institut Sapiens. Chroniqueur aux « Echos »